Monopoly ! Pas de pitié pour les enfants !

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Comment de bonnes pratiques d’investissement, appliquées à ce jeu, peuvent vous servir à écraser vos enfants sans pitié.

Une fois de plus, mes enfants m’ont amené à repenser l’investissement d’une manière très inhabituelle.

Il y a quelques semaines, je jouais au Monopoly avec mon fils de 8 ans. Ce jeu est intuable. Je ne prévoyais aucune stratégie particulière, ni de grandes leçons de vie pour mon fils. Je jouais. Détendu. Cool.

Mais je suis un nerd, et bien que je ne me souciais pas vraiment de gagner, je n’ai pu m’empêcher d’essayer de « maîtriser » le jeu. Pouvoir gagner ou perdre si je le voulais (ce dernier étant bien utile en tant que parent). Alors j’ai commencé à rationaliser. Planification et calcul.

Et là ça m’a frappé tout d’un coup.

Tous les sains principes d’investissement que je professe à mes clients et utilise tous les jours, sont en fait également parfaitement adaptés à ce jeu !

Essayons donc de les appliquer, et de maîtriser Monopoly pour pouvoir tous ensemble, dans la bonne humeur, écraser nos enfants à ce jeu !

Diversifiez !

D’accord, très bien tout çà. Mais comment on diversifie au Monopoly?

Tout d’abord, un bref rappel sur le fonctionnement du jeu. Chaque joueur se déplace autour d’un plateau en forme de carré qui se divise en 4 cases de coin (logique) et 4 lignes droites de 9 cases. Cela fait un total de 40 cellules autour du tableau.

C’est un jeu au tour par tour. À chaque tour, le joueur lance deux dés et déplace sa voiture d’époque / haut-de-forme / fer à repasser du nombre de cases qu’il a obtenu aux dés. S’il atterrit sur une propriété libre, il peut l’acheter (du moment qu’il a les liquidités pour le faire). S’il atterrit sur la propriété d’un adversaire, il devra lui payer un loyer. S’il atterrit sur ses propres propriétés, il peut les améliorer et ainsi augmenter ses revenus futurs potentiels. Très simple.

Il y a bien sûr beaucoup d’autres règles, mais je ne vais vous imposer çà et m’arrêter là. Ces règles là sont les principales.

« – Et voici pour toi papa ! Bienvenu dans mon hôtel. Tu me dois la très raisonnable somme de 10.000 €. Reviens quand tu veux. – Petit margoulin, faire çà à son père ! »

Ainsi, lorsque vous jouez, vous avez le potentiel de gagner de l’argent sur vos « revenus » (chaque fois que vous passez par la case départ) et sur vos « investissements » (chaque fois qu’un adversaire atterrit sur l’une de vos propriétés).

Vous pouvez également « dépenser » votre argent durement gagné en loyers et séjours hôteliers inutiles, si vous tombez sur la propriété d’un adversaire. « Espèce de petit vaurien ! Utiliser ainsi les faiblesses et vices de son père ! Quelle ingratitude ! »

Bien que vous ne puissiez pas faire grand-chose pour augmenter vos « revenus », vous pouvez bien au contraire grandement influer sur le rendement futurs de vos investissements. Vous commencez de zéro avec seulement des liquidités, vous avez donc la liberté absolue de choisir votre stratégie d’investissement.

Votre capital d’investissement étant limité, vous avez donc le choix entre vous concentrer sur un petit nombre de propriétés concentrées (même couleur pour l’exemple) ou diversifier sur une vaste gamme de propriétés plus isolées et variées.

Si vous choisissez la concentration, vous aurez, instinctivement (du fait la proximité des cases), un risque plus élevé pour un retour sur investissement similaire (les « niveaux » de loyer étant proportionnels au prix d’achat de la propriété, par conception de jeu et, d’une certaine manière, également dans la vraie vie) .

C’est à ce moment-là que mon esprit torturé d’investisseur maniaque crie: « HAHA, je sais ce que JE veux! »

Faisons le calcul pour vérifier avec un exemple « simplifié ». Le jet moyen qu’un joueur effectue avec deux dés est de 7. Cela signifie qu’il complète statistiquement un « cycle » de tableau en 40 / 7 = 5,71 tours soit 5,71 arrêts. Par conséquent, pendant chaque cycle, le joueur a 5,71 / 40 = 14% de chances d’atterrir sur une cellule bien précise.

Par conséquent, si vous possédez 3 propriétés bien séparées, la probabilité de base (« événements indépendants ») pour que votre adversaire se pose sur une seule d’entre elles est d’environ 31% (3 x 14% x 86% x 86%), sur exactement deux d’entre elles à peu près 3,3% (3 x 14% x 14% x 86%) et les trois 0,2% (14% puissance 3). Cela donne un nombre d’arrêts prévus sur un ensemble de trois cases, par cycle complet, de 0,38 arrêts.

Cependant, le jet de 2 dés a une autre spécificité: il est improbable de lancer de petits nombres. Cela signifie que la probabilité d’atterrir sur des cellules proches est minime. Donc, pour atterrir sur des cellules de même couleur (qui ne sont séparées que par 1 ou 2 cellules dans le jeu) au cours du même cycle, vous devez atterrir sur la première ET lancer un 2 ou 3 improbable. Atterrir sur les 3 tuiles est impossible.

Par conséquent, dans ce cas, le nombre d’arrêt moyen par cycle sur vos trois propriétés de même couleur serait d’environ (c’est une approximation) 31% puisqu’il n’y aurait extrêmement peu de doubles et aucun triples.

La diversification vous a fait passer de 0,31 arrêts à 0,38 arrêts. C’est une augmentation de 22% des revenus!

Je sais. Je suis un nerd, et c’est très simplifié (en plus des grosses approximations dans les calculs que je vous invite, amis maniaques des statistiques, à corriger en commentaire). Mais ce principe reste valable: diversifiez !

Investissez tôt, continuez d’investir, et capitalisez

C’est le deuxième conseil que je donne aux investisseurs et que j’applique à moi-même. Et c’est un principe très important dans la vraie vie, car influant fortement sur le résultat long terme des investissements.

Alors pourquoi ne pas essayer de l’appliquer aussi au jeu de Monopoly?

C’est ce que j’ai fait. Dès le début du jeu, j’ai acquis le maximum possible de propriétés, ceci pour « investir » le maximum de mon capital de départ le plus tôt possible dans la partie. Mon objectif était de conserver un montant très limité de liquidités et de continuer à investir dès que possible par la suite.

L’idée était, comme pour l’investissement, qu’être investi en continu et le plus longtemps possible est bien plus rentable à long terme que d’essayer de sur-performer en attendant la meilleure opportunité d’investissement. Comme chaque propriété que je possède a un « rendement probable » supérieur à celui des espèces, il n’y a absolument aucun motif rationnel pour moi de conserver des espèces en dehors de ce qui est nécessaire à payer mes factures, la « trésorerie ».

Je n’ai donc pas essayé d’attendre le bon investissement (c’est-à-dire d’attendre le coup de dés heureux qui vous permet de constituer une suite de même couleur par exemple), et j’ai acheté tout ce que je pouvais, le plus vite possible.

Au début, les revenus de ces investissements étaient bien maigres et bien inférieurs à mes revenus récurrents (le passage par la case départ). Mon fils, lui, n’a pas suivi cette stratégie et a attendu d’acheter le «bon investissement». Il a donc lentement et progressivement commencé à atterrir sur mes propriétés plus souvent que moi sur les siennes.

Et j’ai réinvesti ces petits revenus dès que j’ai pu. Et ça a commencé à faire des petits.

Les revenus de mes propriétés ont ainsi commencé à croître, jusqu’au point où ils sont devenus assez importants pour représenter une partie significative, puis supérieure à mes revenus du «travail». Le parallèle avec l’investissement est frappant…

Ce n’est pas un jeu de rôle, jouez pour gagner !

Et ce fut la dernière erreur de mon fils, ou devrais-je dire la première.

Dès le début, il a commencé à limiter ses achats à un ensemble très spécifique : les gares et les services publics. Il les voulait parce que c’était amusant, parce qu’il y avait une histoire à raconter, il jouait un rôle.

Il s’est également concentré sur les propriétés dont le nom ou la couleur lui plaisaient tout en refusant les achats de propriétés qu’il n’aimait pas.

En plus de l’empêcher de diversifier et de sainement capitaliser, cette stratégie pouvait en plus être utilisé par un autre joueur peu scrupuleux…

« Nooooonnn … tu n’as quand même pas profité des erreur de ton fils? »

Bien sûr que si ! Je suis sans pitié. J’ai donc volontairement acquis une unique gare dés que possible et ai attendu qu’il essaie d’atterrir sur la seule restante, perdant de la sorte beaucoup de temps et augmentant le pouvoir de négociation de ma propre gare… que j’ai pu lui revendre pour un petit magot. C’est moche.

Les histoires et principes sont une aubaine pour les personnes peu scrupuleuses qui les utilisent pour gagner sur notre dos, qu’il s’agisse du jeu Monopoly ou d’un investissement réel. Fuyez les !

De plus, j’ai bien sûr appliqué ce principe judicieux à moi-même, fuyant la tentation de créer un empire, évitant de me concentrer sur des propriétés prestigieuses, de courir après les gares et les services publics, ou enfin de tout sacrifier pour posséder au moins un hôtel… (la bonne stratégie est en réalité de commencer par maximiser le nombre de propriété avec 3 maisons, pic de rentabilité sur investissement).

Non, je me suis tenu à l’écart de toutes ces histoires et ai continué à acheter, à capitaliser et à calculer les probabilités. Voici ainsi quelques exemples (parmi beaucoup d’autres sans doute) de stratégies pouvant être utilisées dans un style de jeu de Monopoly brutalement rationnel, et que j’ai essayé d’appliquer:

  • Les propriétés situées juste après la prison ont plus de valeur car la probabilité d’y atterrir est plus grande.
  • Ceci est encore plus vrai pour les propriétés qui sont à un « double » de distance de la prison. Essayez de les acheter/améliorer en premier.
– OK « Petit », tu croyais vraiment pouvoir me battre à ce jeu ? Tu as encore à apprendre du maître… – Bravo papa, super, tu dois être si fier d’avoir battu un enfant de 8 ans…
  • Les propriétés après la case « Allez en prison » ont, au contraire, moins de valeur.
  • Les gares sont en fait de pas si mauvais investissements car leurs revenus sont plus stables et apportent donc une diversification supplémentaire. Ne vous concentrez pas exclusivement sur eux, c’est tout.
  • Les services publics sont eux médiocres. Ne les achetez pas, leur rendement attendu est bien trop bas.
  • « Prison is good ! » comme aurait pu dire Gordon Gekko. Plus tard dans le jeu, il est très bon d’atterrir en prison. Vous limitez vos dépenses, qui devraient alors être plus élevées que vos revenus de travail.
    …et autres astuces de vils calculateurs.

Et n’oubliez pas ce qui est important

En réalité, il y a une énorme différence entre jouer au Monopoly et investir. Investir n’est pas un jeu, cela ne devrait jamais l’être. Comme je l’ai déjà écrit, investir se doit d’être extrêmement ennuyeux, car les émotions sont le pire ennemi de l’investisseur. Les préoccupations sociales, de gouvernance et environnementales sont bienvenues, bien sûr, mais les émotions plus primitives que sont la cupidité et la peur doivent être contenues, car elles nous tirent irrémédiablement vers le bas.

Au contraire de Monopoly, les investissements ont une forte influence sur notre vie. Investir peut être stressant, émotionnel et axé sur l’objectif même de «gagner de l’argent»; ou il peut être détendu, rationnel et axé sur la réalisation de nos objectifs de vie. C’est à nous de choisir, même si le choix, qui parait simple ainsi présenté, l’est beaucoup moins en réalité.

Et c’est là que, en tant qu’investisseur, nous pouvons apprendre d’une bonne partie de Monopoly avec nos proches. Nous le savons depuis le début du jeu: tout cela n’est que pour les enfants. Il ne s’agit pas de gagner, mais de passer du bon temps en famille/entre amis. Et bien que cela soit évident dans un jeu de société, quand il s’agit d’investissement, nous pouvons facilement oublier la finalité et nous perdre dans notre espoir d’obtenir des « performances plus élevés », des « investissements sexy » ou des « rendements sans risque ». (qui n’existent pas).

Lors d’une partie de Monopoly, nous trichons pour laisser nos enfants gagner. Dans la vraie vie, nous devons tricher contre nous-mêmes, car nous sommes les grands enfants du jeu de l’investissement. Nous sous-diversifions, nous attendons sans fin le bon investissement, nous craquons pour des belles histoires à raconter, et oublions les probabilités.

Mais surtout, nous oublions qu’à la fin, tout cela n’est que pour les enfants.

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