Apprendre à bien claquer son fric. Un guide.

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Dépenser efficacement est un levier puissant du bien-être financier. Alors comment apprendre à mieux l’utiliser, à mieux claquer notre argent ?

En tant que conseiller financier, mes clients s’attendent à ce que je travaille sur leurs investissements, leurs revenus, leurs impôts… et sur divers sujets plutôt «côté revenus ». Normal.

Ce à quoi ils ne s’attendent pas, c’est que je leur parle également du « côté dépenses » des finances personnelles. Et je le fais. Beaucoup.

Parce que c’est important.

Parce que dépenser de manière efficace peut s’avérer aussi délicat que gagner correctement de l’argent. Je veux dire dépenser de la bonne manière, de la manière qui nous rendra plus heureux. Je ne suis en aucun cas parfait sur ce point, mais je peux partager quelques conseils que je donne aux clients et que j’essaie de suivre (mal).

Alors, comment pouvons-nous mieux dépenser notre argent pour être plus heureux ?

Synthèse

  • La question de base : l’argent fait-il le bonheur ?
  • Les leviers que nous pouvons utiliser, et acheter, pour être plus heureux.
  • Et surtout en pratique, comment dépenser !

Ce dont cet article ne traite pas :

Il ne s’agit pas de dépenser moins. Ce n’est pas une leçon de budget. Bien que le budget soit un outil financier important (mais pas particulièrement passionnant), je ne parlerai pas ici de la façon dont nous pouvons dépenser moins. Ce n’est pas le sujet. Allons-y et dépensons! Mais dépensons mieux.

Ce n’est pas non plus une leçon de négociation. Je ne serais pas capable de la faire de toute façon.

Enfin, il ne s’agit pas d’investir. Tout argument du type « J’achète ces montres/voitures/vins/cartes pokemon parce qu’ils/elles vaudront une fortune dans dix ans » est également hors sujet. C’est peut-être vrai, mais ce n’est pas le sujet. Nous dépensons, nous n’investissons pas.

Ces trois précisions faites, entrons dans le vif du sujet :

Le bonheur et l’argent, encore…

Pas de surprise ici, c’est l’une des questions les plus clichée de l’humanité depuis, et bien, toujours :

L’argent apporte-t-il le bonheur ?

Et avant l’invention de l’argent, c’était probablement quelque chose comme « Est-ce que posséder plus de moutons, de vaches, de terres ou d’outils primitifs apporte le bonheur ». Une question de longue date…

… qui fait encore débat.

… mais pour lequel nous avons maintenant une réponse assez précise. Très intuitivement, l’argent n’est pas toujours directement lié au bonheur MAIS :

– En dessous d’un certain niveau de richesse, l’argent EST directement lié au bonheur. Point final. Il n’y a aucun moyen de convaincre quelqu’un qui peut à peine se permettre de manger, qui risque de devenir sans-abri ou qui ne peut pas offrir de simples cadeaux de Noël à ses enfants, que : « crois-moi mec, l’argent ne résoudra pas tes problèmes ».

Crois-moi mec, l’argent n’est pas la solution ! La vraie richesse est en toi !    – OK « mec »

En fait, l’argent résoudrait littéralement tous ses problèmes. Je vous recommande vivement, si vous ne l’avez pas déjà fait, de regarder le film « À la poursuite du bonheur » avec Will Smith. Une façon passionnante d’illustrer cela.

– Mais, une fois que vous avez réussi à subvenir à vos besoins les plus élémentaires (sécurité, nourriture, logement, soins médicaux), pour vos proches et pour vous-même, alors l’effet marginal de « plus » d’argent sur le bonheur commence à diminuer, lentement mais sûrement.

Bien sûr, cela a toujours un effet, surtout (comme nous le verrons plus tard) si nous dépensons efficacement, mais plus nous nous éloignons de ce niveau, plus l’effet marginal de l’argent sur le bonheur sera faible. Pour mes amis les nerds, la relation entre le bonheur et l’argent pourrait être représentée un peu comme une fonction racine carrée.

– Il y a ensuite un point où l’effet marginal de l’argent devient si réduit, si insignifiant au quotidien, qu’il faut alors des sommes énormes pour obtenir juste un peu plus de bonheur. En fait, au-delà de ce point, la relation entre l’argent et le bonheur peut même s’inverser. Cela, et nous y reviendrons plus tard également, est dû à l’énorme quantité de temps et de stress que l’on peut consacrer au maintien d’une grande richesse.

Pour ceux qui veulent être un peu plus académiques sur ce sujet, je suggérerais de regarder les études de Deaton et Kahneman (2010), Killingsworth (2021) et enfin leur étude commune et contradictoire.

Mais, pour faire court, voici la réponse à la question « l’argent fait-il le bonheur? »:

Bien sûr en-dessous d’un certain montant, beaucoup moins après celui-ci, et très marginalement voire pas au-delà de montants élevés.

Concentrons-nous donc maintenant sur cette partie centrale où nous pouvons réellement faire quelque chose pour améliorer la relation entre l’argent et le bonheur.

Alors, de quoi s’agit-il ? Comment faire un meilleur usage de notre argent ?

Nous devons d’abord identifier ce qui nous rendra heureux à un niveau très fondamental, au-delà des besoins de base. Je peux compter 6 besoins (mais ce n’est qu’une façon de le conceptualiser bien sûr, il y en a d’autres, voir par exemple la pyramide dite de Maslow) :

La famille, les amis, la santé, la liberté, les passions, et enfin le sens.

Voilà les principaux leviers pour améliorer notre bonheur au-delà de la satisfaction des besoins de base. Je n’entrerai pas trop dans les détails de chacun d’entre eux, car ils sont assez intuitifs et un peu hors sujet.

Concentrons nous donc maintenant sur quelques principes de dépenses très simples que nous pouvons aligner avec la réalisation de ces besoins.

Passons à la partie amusante. Dépensons !

Acheter l’expérience et non la possession

C’est un point important. L’expérience vaut plus que la possession car la possession est, la plupart du temps, une promesse d’expérience et n’a aucune valeur de bonheur en soi.

Si nous recherchons la possession pour elle-même, nous nous trompons. Et nous risquons de ne jamais vivre l’expérience que nous rêvons d’accomplir.

Quoi ?

Je sais, je sais, je deviens trop abstrait.

Plus terre à terre. Pourquoi quelqu’un (un exemple parmi tant d’autres) se constituerait-il une cave avec de bonnes bouteilles de vins ? On peut penser qu’il aime collectionner et posséder du bon vin. Oui, il peut il y avoir un bonheur « lié à la passion » dans le processus (l’expérience) d’achat du vin.

Mais il/elle le fait probablement davantage parce qu’il s’imagine en train d’en profiter, il ou elle s’imagine les moments heureux que cela va lui apporter. Que ce soit en les dégustants, en le partageant avec des amis et sa famille, ou en en parlant à d’autres personnes, le bonheur qu’il en tirera viendra plus tard, ou, et c’est problématique, peut-être jamais, ou du moins pas aussi intensément qu’il/elle ne le pense.

Je ne parlerai pas non plus de la passion (addiction ?) de ma femme pour les tissus. Non, je ne le ferai pas…

Notre appartement demain si ma femme arrête de se restreindre sur l’achat des tissus.

Au-delà de choisir des expériences qui nous rendent heureux , nous devons d’abord comprendre la véritable raison pour laquelle nous désirons ou continuons à posséder des biens spécifiques.

Quelle est l’expérience concrète que je recherche ?

Ne pourrais-je pas la vivre sans le fardeau en stress, temps et argent que représente la possession ? Vais-je vraiment la vivre comme je l’imagine de toute façon ?

Posséder des choses a en effet toujours un coût, que ce soit de l’argent (assurance, stockage…), du temps ou du stress. Ce coût est parfois tout à fait insignifiant, parfois l’inverse. Ce qui signifie que posséder ce que l’on pourrait « louer » (exemple de la collection de vins en achetant une bonne bouteille quand on en a besoin) est une décision qui doit être prise avec sagesse. Dans le cas de ma femme, en achetant juste ce dont elle a besoin pour ses projets immédiats (et  talentueux) de couture. Mais je m’égare encore.

J’admets qu’il existe une raison pour posséder des objets spécifiques : collectionner, c’est-à-dire lorsque notre passion est de voir, créer, restaurer et/ou manipuler des objets spécifiques, mais nous devons être pleinement conscients de ce que nous payons pour cela, car l’expérience d’acquérir un nouvel objet de collection est éphémère : elle ne dure pas, elle s’estompe vite, et nous avons vite besoin d’un nouvel objet à acquérir. Addiction, vous avez dit ?

Pour résumer cela de manière plus pratique, voici une liste de base de possessions pour lesquelles je pense que nous devrions être très prudents :

  • Les voitures, bien sûr. L’expérience positive réelle de posséder une voiture de luxe/sport/SUV est en fait assez limitée et fantasmée.
  • Vêtements, montres et bijoux, vin…
  • Des collections onéreuses de toutes sortes (est-ce vraiment une passion dont on ne peut pas profiter sans posséder ?)

Acheter la famille, acheter des amis

OK. C’est clairement racoleur. Mais c’est vrai, d’une certaine manière.

Nous voulons avoir des interactions familiales ou amicales épanouissantes, et l’argent peut y contribuer grandement. Ce que nous voulons acheter, ce ne sont pas (évidemment) des « membres de la famille ou des amis », mais des interactions sociales positives.

Même si nous ne pouvons pas acheter les relations sociales, nous pouvons utiliser directement notre argent dans ce sens.

Nous pouvons ainsi favoriser nos chances de rencontrer ou voir du monde et/ou acheter des expériences qui seront partagées et mémorisées avec eux, créant ainsi des liens et des souvenirs. Les liens apportent confiance et optimisme, les souvenirs les font perdurer.

Boire un verre en plein air dans un bar agréable lors d’une soirée d’été avec des amis n’est pas gratuit. Ce n’est pas si cher, mais ce n’est pas gratuit. Il en va souvent de même pour de nombreuses autres interactions créatrices de liens.

Pour les plus âgés (comme moi), vous vous souvenez probablement de la campagne publicitaire « Priceless » de Mastercard où, entre autres situations, un père amène son fils à un match de baseball, achète des billets et du pop-corn, puis vient le slogan commercial :

« Il y a des choses que l’argent ne peut pas acheter. Pour tout le reste, il y a Mastercard »

Ces publicités étaient brillantes. L’expérience d’aller voir un match de foot avec son fils n’est pas gratuite. Il faut payer les billets, le trajet et la nourriture, et prendre le temps d’y aller. Donc oui, il faut de l’argent et du temps (qui a de la valeur, bien sûr!).

Un autre exemple (beaucoup plus cher) est la résidence secondaire. La « maison de campagne » ou « maison en bord de mer ». Nous pouvons les louer ou les acheter (enfin acheter c’est un peu plus cher, mais sur le principe oui). Comme je l’ai déjà dit, certaines expériences ne peuvent pas être achetées sans possession.

L’effet « refuge familial » d’une résidence secondaire en fait partie. C’est l’expérience qui est attachée à l’endroit où les souvenirs sont forts et positifs et où votre famille et vous ressentez un sentiment de paix intérieure et de profonde sécurité.

Acheter du temps dans un tel endroit est un bon achat. Cela nous rendra plus heureux.

Mais vous pouvez aussi acheter ou louer ces endroits pour vous faire des amis ou les revoir.

Les villes et destination chères ne le sont pas seulement en raison de leur qualité intrinsèque, mais surtout en raison de la vie sociale qu’ils permettent. C’est aussi cela qui s’achète si cher dans une maison à Carnac, à l’Ile de Ré ou au Cap Ferret.

Plus simplement :

  • Invitons régulièrement à déjeuner, au spectacle ou simplement à boire un café, nos amis et les membres de notre famille.
  • Planifions avec eux des sorties, week-ends et des voyages réguliers, même raisonnables.
  • Louons des séjours dans un endroit où nous savons que nous allons rencontrer des amis ou le famille.

Acheter pour donner et non pour garder

Un principe à la fois simple et puissant. Donner nous rend relativement plus heureux que recevoir.

Je ne sais pas pour vous, mais le moment de Noël que je préfère, c’est quand les gens ouvrent les cadeaux que je leur ai offerts, et que je sais que cela va leur faire plaisir. J’aime recevoir des cadeaux (duh…) mais le véritable intérêt de cette tradition est le lien que nous créons avec les membres de la famille. L’excuse pour donner.

C’est aussi la raison pour laquelle je conseille à mes clients qui ont de mauvaises expériences concernant la location de leur résidence secondaire, et pas réellement d’obligation financière à ce sujet, de penser à prêter leur maison. Ils « achèteront » ainsi le bonheur d’offrir quelque chose à leurs amis ou à leur famille. Volontairement refuser un revenu est une dépense.

Il en va de même, avec une variante, pour les œuvres caritatives ou les causes. Donner à des œuvres caritatives ou à des causes qui nous tiennent à cœur ne nous permettra pas de nouer des liens d’amitié ou familiaux (directement), mais nous rendra heureux grâce à un véritable sentiment d’utilité. Être utile.

Nous devrions donc :

  • Offrir des cadeaux aux personnes que nous aimons. Cela, de manière très égoïste, NOUS rendra heureux.
  • Penser à offrir l’utilisation de quelque chose que nous possédons. Renoncer à un revenu, c’est donner. Maison, appartement, véhicule, machine à coudre (pardon)…
  • Faire don à des associations, causes ou à des œuvres. Et ceci inclus bien sûr aussi de faire don de son temps.

D’ailleurs en parlant de temps :

Enfin, acheter du temps et de la liberté

Certains de mes clients ont un problème financier énorme. Ils ne savent plus vraiment quoi faire de leur argent (je sais, je sais pas la peine de m’appeler pour me demander leurs noms). Ils ont trop d’argent… par rapport aux besoins qu’ils perçoivent. Tant mieux pour eux, mais…

Ils sont généralement modérément aisés, tout va bien pour eux, ils ont juste des besoins assez raisonnables.

Ils ont une maison qui leur convient, une famille agréable avec qui ils vivent, des amis. Ils donnent régulièrement. Ils ont mis de côté pour les études de leurs enfants et leur retraite s’annonce plutôt bien.

Ne suivez PAS le lapin blanc d’Alice !

Leur travail est enrichissant, même s’il prend généralement beaucoup de temps et n’est pas très satisfaisant (de leur point de vue) . Ils reportent donc (à quand ?) tout un ensemble de projets personnels.

Alors ils me demandent, que puis-je acheter avec mon argent ?

Je réponds : l’argent peut acheter la monnaie la plus précieuse, le temps.

Achetons du temps. Pas besoin d’être un génie pour le dire, nous le savons. Le temps nous donne la liberté de réaliser nos passions, de prendre soin de notre santé, nos amis, notre famille et nos objectifs… tous.

Le temps est le levier ultime que l’argent peut acheter. Cela nous permet de travailler sur les choses mêmes qui nous rendent heureux. Achetez, achetez, achetez-le!

 

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